1961 Saumur – Que vais-je faire ?

Le livre romanesque du défilé fleuri temporairement fermé

Le grand livre des romans célèbres s’était refermé au soir du 20 juin 1960 avec le guitariste Pépé Tovar.

Le dépaysement avait joyeusement emporté spectatrices et spectateurs du Pays basque jusqu’en Égypte ancienne. 

Même les enfants, qui n’avaient pas encore lu Don quichotte encore moins La Dame aux camélias, avaient admiré les audacieuses constructions aux couleurs vives et brillantes qui avaient défilé devant eux. Les costumes évocateurs, plus ravissants les uns que les autres, pouvaient donner l’envie de se déguiser à son tour en rêvant à de belles aventures.

Et pourtant ! Au soir du défilé carnavalesque du lundi, le doute allait succéder à l’enthousiasme de la rue. 

Le monde avait changé

Des questions se posaient déjà depuis plusieurs années et des tensions étaient apparues. Les pionniers du défilé fleuri espéraient passer progressivement la main, mais les bénévoles se faisaient moins fidèles quand l’automobile, les loisirs et même la télévision venaient bouleverser les habitudes et les emplois du temps de chacune et chacun. 

C’était aussi de plus en plus difficile de trouver des hangars ou garages assez vastes pour édifier les chars.



  L’assemblée générale du 11 janvier 1961

Le comité des fêtes de Saumur se réunit au théâtre le 11 janvier 1961. Et il valait mieux rester bien couvert dans la salle du « foyer », assis sans bouger pendant presque toute la soirée, d’autant que des courants d’air froids passaient sous les fenêtres vieillissantes et mal ajustées. L’assemblée générale était menée par son vaillant président, Maurice Fournier.

L’assemblée générale commençait par faire le bilan de l’année 1960 avant d’aborder les projets de 1961.

LE DÉFILÉ FLEURI

Si l’assemblée se félicita du défilé fleuri du juin 1960 sur le thème des Romans célèbres, « interprété de façon spectaculaire »*, il en aurait fallu davantage pour que l’aventure du défilé fleuri continuât sans grimaces. Maurice Fournier tenta alors de galvaniser ses troupes :

Tout le monde aurait pu reprendre en chœur le boléro de Pierre Delanoë et Gilbert Bécaud, le grand succès de 1961 :
Et maintenant que vais-je faire
De tout ce temps que sera ma vie …
Toutes ces nuits, pour quoi, pour qui
Et ce matin qui revient pour rien,
Ce cœur qui bat, pour qui, pour quoi,
Qui bat trop fort, trop fort ?

1961 ANNÉE SABBATIQUE

En cette nuit froide du 11 janvier, la morosité prévalait. La majorité en décida ainsi : le défilé ne fleurirait pas les rues de Saumur en 1961. 

Cette année sabbatique aplanirait certainement de sourdes rivalités, tout en permettant à de nouveaux talents de s’intégrer parmi ceux qui étaient désormais à la peine. 

Bref, en cette année 1961, la galette des rois avait un goût amer.

« Le président souhaite qu’il ne s’agisse là que d’un courte halte et que 1962 verra la reprise du traditionnel défilé fleuri. »*

Sources : 

*Délibérations – Assemblée générale du Comité des fêtes – 11 janvier 1961 – Pages 2 à 3 RV.


Les réalisations du Comité des fêtes en 1961

En mai, fais ce qu’il te plaît. C’est probablement cet adage qui a permis au comité des fêtes, en accord avec la municipalité, de rendre gratuit l’accès à la foire-exposition de 1961 (Maire de Saumur : Mr Lucien Gautier, élu en 1959).

Encore fallait-il pouvoir l’assumer financièrement. De fait, les petites portes arrondies des guichets, comme à l’entrée des stades en ce temps-là, situées deux par deux de chaque côté de l’entrée blanche de la foire, restèrent closes.

*Délibérations de l’Assemblée générale 1962 – Pages 4 à 5 RV

DAVANTAGE D’ACTIVITÉS

133 exposants (agriculture, industrie, artisanat, commerce, associations) participèrent à cette Foire-exposition.

LE GRAND MARCHÉ

La Foire-exposition c’était le moment de découvrir (voire se laisser tenter, commander, acheter) les innovations les plus récentes de l’électro-ménager, les mobiliers pratiques, les tourne-disques microsillons, les postes de télévision, les nouveaux modèles de voitures…

MÉDECINE

Étrange attraction : dans la pénombre d’une tente, le public fut impressionné par une énorme machine à destination médicale dont le bruit régulier couvrait presque les haut-parleurs de la foire, l’ancêtre des actuels systèmes de ventilation médicale assistée. Rien que le nom, déjà ! : le poumon d’acier. Même les enfants étaient invités à découvrir l’appareil où un mannequin tenait lieu de patient. Cet appareil servit principalement lors des conséquences tragiques de l’épidémie de poliomyélite. (Vaccin disponible en France en 1962, rendu obligatoire en 1964).

COSMOS

Un peu plus loin, les projets de conquête du cosmos faisaient rêver tous les âges… Le Cosmos sonnait mieux que l’Espace. La conquête de cet espace lointain et mystérieux passionnait grands et moins grands.

Le pilote et cosmonaute soviétique Youri Gagarine venait d’entrer dans l’Histoire le 12 avril 1961 en devenant le premier homme à avoir tourné en orbite (89 minutes) autour de la Terre.

DES RÊVES AU GRÉ DES VENTS

Les enfants constituent un petit monde bien pratique quand il s’agit d’attirer les parents et même les grands-parents. Pour ces enfants, donc, les ballons gonflés à l’hélium, lâchés vers l’inconnu, emportaient une petite carte au bout d’un fil de fer portant le nom et l’adresse de leur petit propriétaire qui n’avait tenu la ficelle en main que quelques secondes. 

IIs avaient été inscrits au bureau du Comité des fêtes par maman, papa ou mamie et papi. Certains ballons s’échappaient même avant que l’ordre n’en soit donné. Selon la direction des vents, ils prenaient la direction de la gare au-dessus des fumées des locomotives. D’autres fois, ils passaient dangereusement au-dessus de la cheminée de l’usine à gaz. D’est en ouest, c’était un plongeon dans la Loire. Ces lâchers de ballons, ce n’était pas Cap Canaveral… À noter que les Établissements Noblet participaient à ces envols. 

Avec beaucoup de chance, une bonne âme trouverait les restes de la baudruche et la petite carte dans son jardin. Où qu’elle ait atterri, encore fallait-il la rapporter chez un commerçant attitré ou au Comité des fêtes pour que son propriétaire de quelques secondes obtienne son cadeau.

BONNE CONDUITE

Comme l’année précédente, la piste routière était destinée à apprendre à conduire et à bien se conduire sur la route : des routes miniatures, des voitures à pédales, des feux, des panneaux et des récompenses.


Les Saumurois l’attendaient depuis longtemps : la piscine olympique tout au bout de l’île d’Offard (aujourd’hui désaffectée, un projet est envisagé de lui redonner vie).

Le Comité des fêtes participait à son inauguration. 

Pour bien souligner l’importance de l’événement, des sportives et sportifs internationaux ont été invités pour faire montre de leurs talents et performances, qu’il s’agisse de nage ou de plongeon. Parmi les héroïques invitées de 1961, Mady Moreau-Murat (1928 1995) sacrée sept fois championne de France, septième aux Jeux Olympiques de 1948.


La perle de l’Anjou, c’est la métaphore qui désigne Saumur dans les guides touristiques. C’est aussi le nom du groupe folklorique saumurois que le Comité des fêtes présentait partout en France et au-delà des frontières. Il atteignit son apogée sous l’aura de Mme Caillère.

Vive l'Anjou 
lorsque le soleil dore
sur ses coteaux
du pampre rougissant le sang,
un gai sourire
en mon cœur vient éclore...
Le noir chagrin
fuit l'azur de mon ciel serein...

Le comité des fêtes n’a pas ménagé ses efforts pour offrir un spectacle varié, digne d’un grand music-hall, aux Saumurois frustrés de leur défilé fleuri, dans le cadre du Théâtre de verdure du château.  (24 – 25 juin).

En effet, de grands noms défilent devant les micros :

La nombreuse jeunesse saumuroise des années 60, qui n’avait pas manqué de se familiariser avec les yé-yé et le twist, attendait avec impatience d’entendre et voir en vrai le filleul de Line Renaud : Johnny Hallyday, 18 ans, vu pour la première fois à la télévision en noir et blanc le 18 avril 1960 pour celles et ceux qui possédaient un téléviseur à la maison ! C’est bien lui que le Comité des fêtes avait invité à Saumur pour interpréter ses premiers succès « T’aimer follement – Souvenirs, souvenirs – Laisse les filles – Le petit clown de ton cœur ».



L’assemblée générale du 17 janvier 1962

Le 17 janvier 1962, le comité des fêtes était à nouveau réuni au théâtre pour son assemblée générale. 

Le spectacle de 1961, qui remplaça le défilé fleuri, fit beaucoup gloser. 

Des reproches avaient été adressés au comité des fêtes pour « avoir vu trop grand »*. Son président réagit en assurant justement qu’il « fallait voir grand pour être à la même échelle que le renom de Saumur et de son château« *.

Cependant, ce que tout le monde attendait en ce soir de janvier 1962, c’est la décision qui devait être prise pour le mois de juin. 

Le vote positif fut acquis : Oui, le défilé fleuri aurait bien lieu en 1962, malgré les hésitations du quartier Portail-Louis, malgré le manque de personnel pour le groupe du quartier Saint-Jean – Saint-Pierre, malgré la raréfaction des hangars pour la construction des chars. La question fut posée de savoir s’il ne serait pas possible de bénéficier d’un peu d’aide de l’École de Cavalerie…*

* Délibérations – Assemblée générale du Comité des fêtes – 17 janvier 1962 – pages 4 à 5 RV.

HONORER L’HISTOIRE DE SAUMUR

Oui, le défilé fleuri aurait bien lieu en 1962 et il honorerait Saumur. Le thème retenu en sera : Si Saumur m’était conté*, titre qui se transformera quelque temps plus tard en Saumur et son Histoire*.

Ouf ! en ce début d’année 1962, le goût sucré des galettes des rois, sur fond de pétillant saumurois, était à nouveau appréciable et apprécié.


1962 Joies et peines

Ce défilé fleuri allait s’inscrire malgré lui dans les ultimes soubresauts de la tragédie algérienne, du 18 mars 1962 au 3 juillet 1962 (Indépendance de l’Algérie), avec l’exode de ses habitants d’origine européenne et le massacre des harkis auquel peu d’entre eux réchappèrent.

Et si les Françaises et Français savaient s’amuser en ce temps-là – C’est du moins l’opinion répandue par celles et ceux qui sont aujourd’hui admiratifs inconditionnels de cette époque vintage des Trente Glorieuses – les familles pleuraient aussi plus de vingt-cinq mille soldats tombés pendant cette guerre auxquels s’ajoutaient soixante-cinq mille blessés et combien de civils meurtris tant par la guerre que les attentats et l’exil.

Retrouvez les défilés festifs depuis 1803 et Les festivals de Musiques militaires 1985 2019 dans Histoire de notre de notre patrimoine.

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